Sur le
mur de la Cour du Havre, à plus d’un mètre du sol, on peut lire
sous un trait large peint à l’huile : « crue de 1910 ». On dit
aujourd’hui que, par la grâce des ingénieurs des Eaux-et-Rivières
susceptibles de hauts et de bas, Paris est désormais à l’abri d’un tel
débordement. Et je dis que c’est triste. L’idée de mourir un jour sans
avoir eu la chance de voir Paris noyé à hauteur de béret m’est
intolérable. Les bagnoles qui puent, qui vroument, les mammifères de
bureau vibratiles, les pépés grommeleux à bout de chien chieur, les
amoureux par deux, les nippons touristiques, contempler toute cette
vaste humanité pour quelques heures enfouies sous l’eau lisse et
tranquille de la Seine éternelle, dans le silence où passe une mouette
étonnée qui se pose sur la crête émergée d’un parcmètre englouti et
voit passer trois képis flottant vers Rouen et les mers atlantiques,
ah, merde à Dieu, mourir après je veux bien, voir Naples avant, je m’en
fous.
Pierre Desproges, références ?
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