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(Rimbaud, puis)
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Le dormeur du val C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Arthur Rimbaud, Second cahier de Douai, 1870 |
L’eau, quand elle coule, n’est jamais
silencieuse. Les ruisseaux
babillent, les cours d’eau gazouillent et un fleuve plus grand et plus
large raconte des choses plus profondes et plus complexes. Les grands
fleuves s’expriment sur une fréquence très basse, trop basse pour
l’oreille humaine, même pour l’oreille des chiens qui sont incapables
de saisir les mots qu’ils prononcent ; le Fleuve du Temps racontait ses
histoires sur la plus basse de toutes les fréquences, et seule une
oreille d’éléphant pouvait en percevoir les chants. Salman Rushdie, Luka et le Feu de la Vie (Ch. ?) / traduction Gérard Meudal / ed. Plon, 2010 |