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Marcel Proust – Du côté de chez Swann

Macrophytes et macrostructures turbulentes


Bientôt le cours de la Vivonne s’obstrue de plantes d’eau. Il y en a d’abord d’isolées comme tel nénufar à qui le courant au travers duquel il était placé d’une façon malheureuse laissait si peu de repos que, comme un bac actionné mécaniquement, il n’abordait une rive que pour retourner à celle d’où il était venu, refaisant éternellement la double traversée. Poussé vers la rive, son pédoncule se dépliait, s’allongeait, filait, atteignait l’extrême limite de sa tension jusqu’au bord où le courant le reprenait, le vert cordage se repliait sur lui-même et ramenait la pauvre plante à ce qu’on peut d’autant mieux appeler son point de départ qu’elle n’y restait pas une seconde sans en repartir par une répétition de la même manœuvre. Je la retrouvais de promenade en promenade, toujours dans la même situation, faisant penser à certains neurasthéniques au nombre desquels mon grand-père comptait ma tante Léonie, qui nous offrent sans changement au cours des années le spectacle des habitudes bizarres qu’ils se croient chaque fois à la veille de secouer et qu’ils gardent toujours ; pris dans l’engrenage de leurs malaises et de leurs manies, les efforts dans lesquels ils se débattent inutilement pour en sortir ne font qu’assurer le fonctionnement et faire jouer le déclic de leur diététique étrange, inéluctable et funeste. Tel était ce nénufar, pareil aussi à quelqu’un de ces malheureux dont le tourment singulier, qui se répète indéfiniment durant l’éternité, excitait la curiosité de Dante, et dont il se serait fait raconter plus longuement les particularités et la cause par le supplicié lui-même, si Virgile, s’éloignant à grands pas, ne l’avait forcé à le rattraper au plus vite, comme moi mes parents.


Marcel Proust – Du côté de chez Swann / Combray - 1913


http://pp.ige-grenoble.fr/pageperso/belleudy/rivieres/BV_Rhone-Mediterrannee-Corse/BV_Rhone/Durance/StPierre/slides/2007-09-15%2013-41-42_046.JPG
La Vézère au pont de Campagne

Hydrologie

Le texte décrit le mouvement des plantes du fait de la formation et la propagation de grand tourbillons. Ces formes turbulentes peuvent être générées dans une courbe de la rivière, en berge ou du fait de courants hélicoïdaux (ces derniers sont aussi responsables de l’érosion sur la berge concave de la courbe, et d’un dépôt de matériaux sous la forme d’un banc à l’intérieur de la courbe en aval).


... dans cette mer des Sargasses des souvenirs, je trouve de tout...beaucoup de corps entre deux aux qui s'effilochent... des corps de personnages célèbres... et des corps de truands... minables... au mouvement des algues... tous... en remous... tourbillons... et même des glorieux!

Céline - Rigodon - 1961 - Gallimard


Il y a aussi des structures turbulentes qui naissent au fond de la rivière et qui remontent vers la surface en apparaissant sous forme de bouffées circulaires.

On pourrait ici deviser sur les macrophytes, mais ma formation d’ingénieur du siècle dernier(*) ne m’a pas assez instruit pour que j’écrive ici quelque chose d’intéressant.

(*) un jour il faudrait aussi un billet là dessus...

Voir aussi :

Référence:

Nezu, I. and Nakagawa, H. (1993). Turbulence in open-channel flows. A.A. Balkema (résumé ici)

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créée: 27 mai 2018
mise à jour: 13 janvier 2021